• - Trois extraits des "Descendants"

    Quelques extraits de l'une des nouvelles du recueil "Puzzle", qui met en scène deux descendants de Catherine Cathillon, dans une ambiance un peu lourde...

                                          

                                                                  Les descendants

     

     

     

            Combien sont-ils, regroupés sur la place de Senone, venus de toutes les régions de France et même de quelques pays voisins ? Encore n’y a-t-il là qu’une infime partie de tous les descendants d’une même ancêtre mythique, Catherine Cathillon, brûlée pour sorcellerie au seizième siècle. Les généalogistes qui l’ont découverte un jour tout en haut de leur arbre entretiennent sa mémoire, échangent entre eux, et se retrouvent régulièrement pour parler de l’avancée de leurs recherches sur son procès. Les autres, ceux qui ne la comptent pas parmi leurs ancêtres, les considèrent avec compassion, arguant qu’aucun acte de son jugement n’a jamais été retrouvé et qu’elle n’est qu’une légende. Jaloux !

         Cette année, le programme des rencontres comporte une visite de l’abbaye de Senone. La dite Catherine était contemporaine de l’expansion de ce couvent. En cette époque de conflits religieux, les moines étaient sans doute, directement ou indirectement, responsables de sa condamnation.

          Après les explications du guide se perdant en détails sur l’histoire des lieux à travers les siècles, tous les participants se ruent vers l’apéritif servi dans l’ancienne bibliothèque dont la réputation, à l’époque, avait même attiré le libre penseur Voltaire. Guerres, incendies, ventes, transformation en usine textile, ont fait leur oeuvre de destruction, et la grande « librairie » comme on l’appelait alors, n’est plus maintenant qu’une carcasse vide où se réunissent, ce jour, des généalogistes en quête de racines.

           Dans toutes les conversations, on compare les branches, chacun parle avec fierté du nombre d’ancêtres collectés dans l’ensemble de son arbre. Les rares conjoints non généalogistes essaient de s’intéresser, ou fraternisent entre eux pour échanger leurs doléances. Le journaliste local passe de groupe en groupe pour recueillir quelques témoignages

           Bernard ne connaît personne. Il saisit une bouteille de Crémant d’Alsace et jette un coup d’oeil circulaire, prêt à servir quelqu’un avant lui. Son regard rencontre celui d’un petit homme aux cheveux gris, qui semblait l’observer et qui lui tend son verre.

    (…)

     

           Aujourd’hui, Bernard propose de partir pour Vacquenoux, village de naissance de Catherine, et de gagner à pieds l’ancien château de Salm, par un chemin qu’elle a peut-être emprunté dans sa jeunesse. Ils marchent d’un bon pas, traversant des paysages forestiers qui n’ont guère dû changer en quatre cents ans, s’arrêtant sur une crête pour repérer les villages et les hameaux qui émergent de la brume, tout en y replaçant leur généalogie commune. Dans les ruines du château, ils s’amusent comme des gamins, grimpent au donjon, tentent de situer les oubliettes. Jean fait preuve d’une imagination un peu morbide qui se prête à ces vieilles pierres couvertes de mousse et de légendes. Au pied de la tour envahie d’arbustes, des pierres creusées par la nature ou par la main de quelque sorcier, auraient, dit-on, servies à recueillir le sang de sacrifices. Humains peut-être… Jean fait mine d’y poser la tête et de se couper la gorge du tranchant de la main, poussant ensuite Bernard à faire de même. Ce dernier ne goûte pas ce genre de plaisanterie et s’éloigne pour retrouver le soleil.

           - Excuse-moi, vieux, je suis parfois un peu lourd… L’humour belge, tu sais.

           Ils redescendent en silence, un peu oppressés par l’épaisseur des sous-bois à l’heure où le soleil disparait derrière le massif du Donon.

     

    (…)

           Il appelle, tout en se rapprochant du petit édifice religieux. Seul le vent qui commence à agiter la haute cime des arbres lui répond. Il jette un coup d’oeil par la porte entrouverte, puis dans la crypte, et fait le tour de la chapelle. Dans le sarcophage ouvert, il distingue une forme et s’approche, pas très sûr de lui. « Wouh! » fait Jean, se levant brusquement. Bernard accuse le coup avant d’exploser de colère, en traitant le Belge de noms désagréables. La descente se fait ensuite dans le plus grand silence et Bernard accélère le pas en se félicitant de quitter cet imbécile dès le lendemain matin comme prévu. Il n’a jamais pu se départir complètement d’une impression de malaise lorsqu’il surprend le regard de cet homme posé sur lui.

    (...) 

     

     

     

                                               

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